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MINICITIES

Contexte

Émergence du concept

Le phénomène des minicities est un sujet d’étude en développement urbain beaucoup plus vieux en Amérique qu’en Europe. En effet, il s’agit d’un concept initialement défini en 1976 aux États-Unis qui observe une réalité nouvelle et émergente, où certains centres périurbains se développent de façon à entrer en compétition avec les city center, les centres urbains initialement dominants (Muller, 1976). Effectivement, le développement des centres périurbains américains se diversifient d’une situation où, entre 1920 et 1970, le développement est essentiellement résidentiel, à une situation qui se cristallise au cours des années 70, durant lesquelles les centres périurbains deviennent des pôles de consommation et d’emplois importants.

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C’est donc de cette situation que découle une « concentration décentralisée » d’activités initialement exclusives aux city centers. Ces city centers commençaient à perdre leurs liens d’attraction face aux plus importants centres périurbains, ou minicities. C’est de ce phénomène qu’un nouveau concept apparait : celui des Edge Cities (Garreau, 1991). En étudiant cette réalité, Garreau cible de façon précise les éléments nécessaires pour qu’une minicity puisse se détacher du city center et devenir autonome.

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Par contre, bien que ce mouvement soit très bien défini dans un contexte nord-américain, peu d’études ont été réalisées quant à sa pertinence en Europe. Or, dans le contexte de notre projet d’analyse, on se rend vite compte que la ville de Sandvika répond essentiellement aux critères présentés par Muller sur les minicities. Il est donc intéressant de relever les principales caractéristiques qui composent une minicity ainsi que de montrer comment la ville de Sandvika répond à ces critères.

Définition du concept et lien avec Sandvika

En regardant attentivement la littérature sur les minicities, trois critères sont récurrents lorsque vient le temps de décrire le concept : l’accès aux transports, autant automobile que collectif, la présence d’une mixité de services dans un cœur périurbain dense et la présence importante d’emplois.

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Pour ce qui est du transport, Sandvika est très bien desservie. En effet, la présence de l’autoroute E18, connectant directement la ville au centre d’Oslo, ainsi que la ligne principale de train, connectant l’entièreté de la région ouest de la ville au centre urbain (voir carte Sandvika-Oslo), font de Sandvika un espace extrêmement bien connecté au réseau de transport régional. Le fait que ces infrastructures de transport soient situées au centre de la ville est également notable.

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La minicity durable

Le but, ici, est de présenter les éléments de définition d’une minicity viable sur le plan environnemental. Bien que, comme vu précédemment, l’idée traduit une réalité américaine, il est intéressant de se pencher sur la question : « Est-ce qu'il est possible de créer des centres périurbains durables, notamment en termes de transport ? ». À cette question, Per Gunnar Røe mentionne 4 points distinctifs qui permettent d’établir qu’une minicity est durable, soit (voir schéma Minicities durables) :

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  1. Mixité - La réduction des transports Minicities - City Center

  2. Compacité - L’usage d’une morphologie urbaine créant une intensité et affectant ainsi les modes de transport utilisés

  3. Mobilité - L’augmentation de l’usage du transport en commun par son articulation autour des minicities

  4. Adaptabilité - L’adaptabilité et la résilience des minicities

Le premier point nécessaire aux minicities durables est donc celui de rendre le centre périurbain compétitif avec le centre urbain principale. La minicity devient ainsi un substitut intéressant au centre-ville. Dans le cas présent, il s’agit donc de rendre le centre de Sandvika favorable au centre d’Oslo, c’est-à-dire que la distance à parcourir pour se rendre à Oslo ne justifie pas l’augmentation des services que le centre urbain offre. Bien que Sandvika ait une offre plus limitée qu’Oslo en termes de services, la quantité et la qualité des services offerts par le centre périurbain permettent aux résidents à proximité de répondre à leurs besoins. Il est aussi important de noter que le terme « services » inclut le travail, cette composante ayant un effet important sur les transports entre Sandvika et Oslo.

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Le deuxième point soulevé par Gunnar Røe est fortement appuyé sur les idées de Jane Jacobs concernant les centres urbains viables. Selon ces idées, il est donc nécessaire d’avoir notamment, une forte densité résidentielle et une grande mixité de fonctions. De plus, il est important que les formes urbaines de tels centres suivent certaines normes de compacité permettant de favoriser les transports actifs à l’intérieur même du secteur et recréant ainsi une certaine intensité généralement réservée aux centres urbains. De ces conditions découleraient donc un déplacement de l’usage de l’automobile vers les transports actifs et collectifs. Or, les minicities ont généralement des difficultés à intégrer ces impératifs. Les zones périurbaines deviennent généralement des « cellules isolées » à l’intérieur de grandes aires résidentielles sans vraiment s’intégrer au tissu périurbain. Ces zones ont donc pour effet de rester fréquentées principalement par des automobilistes malgré le fait qu’elles puissent devenir des centres à part entière. Ceci est notamment vrai lorsque les infrastructures de transport permettent un accès facile à la minicity par voiture.

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Le troisième critère des minicities durable est d’articuler l’ensemble des centres périurbains autour d’un axe structurant de transport en commun, à la manière d’un TOD. L’idée sous-jacente à ce principe est que peu importe la quantité ou la variété des services offerts, l’automobile offre simplement une flexibilité d’usage qui ne peut être égalée par le transport collectif et actif. Ce n’est qu’en liant efficacement tous les centres, urbains et périurbains, que le réseau de transport collectif peut rivaliser avec la voiture et ainsi augmenter son utilisation.

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Finalement, le dernier point concerne les capacités d’adaptation des minicities par rapport aux changements structuraux importants à long terme en matière de transport attendu dans le futur. En effet, considérant que les connaissances sur les impacts futurs des changements environnementaux ne sont pas précisément définies, il convient selon cette approche de laisser au territoire une marge de manœuvre afin de mieux pouvoir s’adapter aux changements. Pour illustrer ce point qui peut sembler plus abstrait, il est donc nécessaire de ne pas faire d’investissements majeurs dans des infrastructures autoroutières importantes alors que les conditions futures pourraient possiblement restreindre l’usage de l’automobile, notamment par l’épuisement ou l’arrêt de la consommation d’énergie fossile.

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Ainsi, en respectant ces quatre points, il en résulte un centre périurbain pouvant potentiellement être viable. Par contre, plusieurs de ces points sont sensiblement articulés autour du changement de mode de transport, soit de l’automobile vers le transport collectif ou actif. Or, l’aménagement d’un centre urbain ou périurbain ne peut être le seul outil utilisé pour atteindre cet objectif. Il doit y avoir une volonté réelle de l’état afin de changer les mentalités en place. Ces quatre points sont plutôt des conditions pour que la minicity durable soit viable et proposent une alternative aux déplacements automobiles. Ils ne sont pas une liste de critères desquels résulteront automatiquement une réduction de l’automobile.

Évaluation du projet par rapport au sujet

Ainsi, la dernière question à analyser est de savoir si le projet de réaménagement de Hamang comme il est défini permet de faire de Sandvika une minicity durable. Certains points permettent de conclure en ce sens, alors que d’autres facteurs viennent à l’encontre des principes exposés ci-haut. Afin de mieux présenter l’argumentation, deux points essentiels sont à présenter : les changements relatifs à la compétitivité entre le centre de Sandvika par rapport au centre d’Oslo et ceux entre l’usage des transports collectifs et actifs par rapport à l’usage de l’automobile.

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Le premier critère, relatif à la compétitivité entre le centre périurbain par rapport au city center, semble prouvé. Comme nous allons le présenter dans l’analyse de variété suivant les critères de Bentley, le projet amène une quantité de services actuellement absents sur le territoire, notamment en termes de divertissements, ce qui amène une meilleure compétitivité du secteur face au city center. Par contre, comme mentionné précédemment, l’un des problèmes perçus dans le secteur est relié à la grande quantité de mouvements Sandvika-Oslo relatifs au travail. En ce sens, le projet de réaménagement n’amène aucune infrastructure permettant l’implantation de bureaux spécialisés susceptibles d’attirer des entreprises embauchant les résidents du secteur. Malgré tout, le projet semble tout de même bien répondre à ce critère.

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Le deuxième point, relatif à l’augmentation de la compétitivité entre la voiture et les transports collectifs et actifs, est par contre difficile à prouver. Il est vrai de dire que le projet améliore quelque peu la connectivité nord-sud de la ville sur le plan des transports actifs. Malgré tout, les liens offerts par le projet afin de connecter le quartier à la gare située à l’est sont plutôt faibles et ne permettent pas de conclure vers un accès bonifié vers le point focal du transport collectif de la ville. De plus, le projet d’enfouissement de l’autoroute qui a initialement motivé le réaménagement de Hamang propose aussi un élargissement de cette dernière à quatre voies. Celle-ci propose donc une meilleure connexion entre le nord et le sud de la municipalité. Considérant par le fait même que cette route est directement connectée à la plus grande voie autoroutière connectant Oslo à toute ses banlieues ouest, il est très difficile d’en venir à la conclusion que la compétitivité du transport collectif par train deviendra, après l’implantation du projet, meilleure qu’aujourd’hui.

La mixité dans le contexte de la ville de Sandvika est le point le plus facilement identifiable. Il y a effectivement une grande quantité de commerces (190) et une grande diversité entre les commerces généraux et les commerces nichés. Ces commerces sont grandement concentrés dans le centre de la ville. De plus, une diversité de plus en plus importante dans les installations de divertissement culturel (théâtre, bibliothèque, etc.) est observable.

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Finalement, Sandvika et la municipalité de Baerum, dans laquelle la ville est comprise, représentent des pôles d’emplois importants. Effectivement, la municipalité a plus d’emplois que de travailleurs. Par contre, une grande partie des travailleurs se rendent tout de même à Oslo pour leur travail. Ceci peut notamment être expliqué par le fait qu’une grande proportion des emplois soient dans le domaine du commerce au détail, le centre périurbain de Sandvika n’attirant pas nécessairement de pôle spécialisé. Ceci, mis en lien avec le fait que les valeurs foncières de la ville sont relativement élevées, crée une situation où les gens travaillant à Sandvika ne peuvent y habiter, et les résidents de la ville ne peuvent trouver les emplois qu’ils recherchent. Néanmoins, la ville semble répondre aux impératifs d’emplois présentés dans la définition des minicities.

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Il est donc permis de parler, ici, de Sandvika comme d’une minicity, celle-ci possédant toutes les caractéristiques nécessaires à cette appellation. Par contre, l’usage de la théorie concernant les minicities n’est qu’un prélude afin de comprendre comment le fonctionnement d’une telle ville peut devenir potentiellement durable.

Parcours de transport Sandvika - Oslo. Modifié par auteurs

"Minicities" durables. Modifié par auteurs

Minicity de Sandvika et réseau d'autouroute structurant. Modifié par auteurs

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